Orrimi

Orrimi conte des mers Gaïennes, par Maïm Garnier

Découvrez la légende d’Orrimi et partez à l’aventure dans ce Conte des Mers Gaïennes.

Orrimi, Première partie

Court dans la brume, le frêle esquif, sa voile de cheveux de toile, drapée haut sur son mat, claque au vent qui se lève enfin. Les passagers laissèrent échapper un soupir groupé. Ils se regardèrent, gênés. Assis sur leurs sacs, arrimés par des sangles aux barres rembourrées longeant une partie du transport, ils redressèrent la tête et firent mine d’admirer la vue. En guise de paysage, on trouvait plus varié.  Le plus jeune passager défit son attache, prit son élan et s’installa à califourchon sur le rebord de l’embarcation.

Sentir le souffle du flux caresser sa peau, fermer les paupières et prendre une longue inspiration…

Une main noueuse le rattrapa avant qu’il ne bascule et le souleva tel un sac de jute jusques sur le pont.

— Petit, tu ferais mieux de garder les pieds sur le plancher, à défaut d’une bonne terre fertile.

L’enfant leva les yeux vers la voix, observa les rides profondes et lança un coup d’œil à la mer de brume sur laquelle le voilier avançait. Le vent permettait de gagner leur destination plus rapidement mais créait également des trouées dans la mer de vapeurs, menaçant des piqués sur des profondeurs que les voyageurs préféraient ignorer et que le capitaine se gardait bien de leur annoncer.

— Orrimi, Capitaine. Je m’appelle Orrimi. Merci pour… L’enfant hésita et laissa sa phrase en suspens, une moue sur ses lèvres colorées. Une mèche châtain retomba devant ses yeux bleus.

— D’accord, mon gars. Orrimi, prends garde aux trouées, tu veux bien faire ça pour moi ?

— Avec plaisir, Capitaine ! Mais je suis une fille.

Un sourire amusé éclaira les visages des passagers. Le voyage s’annonçait finalement plutôt moins stressant que prévu. Les langues commencèrent à se délier, évoquèrent leur premier havre. On ne savait jamais exactement la durée des trajets sur la mer de brumes, mais les refuges représentaient un répit très attendu. Il fut question de deviner si les courants permettraient d’atteindre La Farale ou Le Guilleret. Évidemment, les préférences allaient au Guilleret, réputé pour sa cave fournie et sa bonne chair. La Farale était bien trop mystérieuse pour attirer les chalands, même si chacun était curieux de savoir pourquoi nul n’en parlait jamais.

Une secousse ébranla tout le rafiot qui grinça, gémit, tangua. Un flanc craqua, cria, perça les tympans de tout être normalement constitué. Le Capitaine n’essaya même pas de se couvrir les oreilles. Déjà debout, il entrava le gouvernail à l’aide d’une planche fendue. Après avoir changé de cap, il le bloqua.

— C’est grave, Capitaine ? Orrimi fut la seule à oser poser la question à voix haute. Les adultes sont bizarres. Ils posent des questions dont ils connaissent les réponses et préfèrent éviter de poser celles qui comptent vraiment.

— Mfr…

— Vous dites, Capitaine ?

— Je me suis pris des éclis, petite. Ça veut dire que le vent est contre nous. J’ai bloqué la barre dans la mauvaise direction. Le flux a tourné juste avant le choc et j’ai fait une erreur de débutant, je n’ai pas vérifié. Le capitaine termina sa phrase dans un flot de jurons qui semblait n’être qu’un long borborygme.

— Mais quel choc ? C’est juste de l’air, non ? Comment est-ce que le voilier peut s’être cogné dans quelque chose ? Nous sommes tous seuls ici !

—Tu crois ça, Orrimi ? Vraiment ?

Les passagers vers lesquels se tourna la fillette s’empressèrent de détourner le regard. Elle sonda les nuages en quête d’une réponse. Du coin de l’œil, elle crut apercevoir une lueur fugitive, puis se dit qu’elle avait dû l’imaginer, que les grandes personnes étaient assez superstitieuses comme ça, pour s’y mettre elle aussi. Ce n’est pas comme si elle n’avait pas rêvé cet instant la nuit précédente, n’est-ce pas ? Pourvu que la suite demeure un rêve…

 ©MaïmGarnier ~ Nouvelle inédite, première partie ~ Orrimi 02/07/2016

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Orrimi

8 Comments

  1. Anonyme

    5

  2. Orrimi – sansible

    […] Mon site a déménagé. Vous pouvez désormais lire mes articles en intégralité sur Sansible.fr […]

  3. Vaudelaire

    Quelle belle plume. Un flot dansant de mots et d’images en fresque fantastique. Ce texte chante son histoire. On y sens le temps qui presse comme une brume qui cache l’insondable de l’étendu dressé devant l’histoire.

    Bravo pour ce merveilleux petit texte. La fin donne le goût d’en connaitre plus.

    1. maimg

      Merci à vous. J’avoue ne pas être habituée à publier de cette façon, si courte après l’écriture. Mes romans sont travaillés sur la durée, avec de nombreuses corrections et réécritures. Mais le format m’intéresse. J’y prends déjà goût.
      Heureuse que le début vous ait plu. ?

      1. Vaudelaire

        Totalement. Et ce format semble en effet vous allez de belle manière. Ça permet un peu de spontanéité et de naturel, que vous maitrisez très bien de toute évidence. Je vous tire un chapeau bien bas, et incline la tête de respect devant votre talent.

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